Chassé Croisé

Quelques réflexions d’un(e) instit peu avant la rentrée

Le temps des vacances m’a permis de repenser ma classe.
Bientôt, c’est la rentrée.
Ce qui compte d’abord, c’est la vie qui entre dans la classe, Freinet nous le souffle sans cesse. Laissons tomber tout ce qui est scolaire : les apprentissages imposés, l’autonomie, les objectifs à atteindre, les matières à enseigner, les programmes, les évaluations incohérentes, les habitudes qui manquent de sens, les règles qui ne correspondent pas à la vie de la classe, les obligations qui viennent d’on ne sait pas où… Et, tenons-nous à l’essentiel, c.-à-d. la vie des enfants…

C’est la rentrée, et écoutons tout simplement les enfants.
Ils entrent en classe, et je les regarde, je les écoute. Les parents aussi, je les regarde, je les écoute. J’ai une seule idée précise dans la tête : chaque enfant est unique, singulier, différent des autres. Je ne peux donc pas m’adresser à tous de la même manière. Je ne peux donc pas exiger la même chose de tous. Je vais m’adapter à chacun d’eux, trouver comment leur parler et les mener vers le travail.

La classe est prête.
J’en ai organisé le cadre, un travail longuement réfléchi. J’ai installé les ateliers indispensables à mes yeux : un espace collectif pour l’accueil, des espaces pour petits groupes…, des espaces chaleureux qui invitent… au travail.
La classe a été épurée.
Dans chaque atelier, le matériel nécessaire est à la disposition des enfants.

Le matériel est soigneusement choisi :

• • pas n’importe quels livres dans la bibliothèque

• • des marqueurs, des crayons, des couleurs, des pinceaux, du papier… de
    bonne qualité

• • des jeux symboliques bien présents même chez les grands (et aussi en
    primaire)

• • du matériel de manipulation, de construction qui permet de nombreux
    tâtonnements et qui mènent à des créations…
    Le matériel est soigneusement rangé, à la portée des enfants :

• • trop de matériel tue la concentration et la créativité

• • peu de matériel, bien choisi, invite, incite au travail

• • les jeux, fichiers de toutes sortes aux relents scolaires qui induisent les
    enfants dans une voie stéréotypée sont éliminés de la classe.

C’est la rentrée.
Tout est prêt, les enfants peuvent se mettre au travail. Fin de la matinée, et aussi fin d’après-midi, assis confortablement sur le tapis tout neuf, l’instit racontera une histoire, rien que pour le plaisir, et cela même si les enfants sont déjà (bons) lecteurs. Le rôle de l’instit sera d’abord de sécuriser les enfants, même les ainés, ensuite d’accompagner chaque enfant dans sa propre démarche d’apprentissage qui mène à un travail choisi, non imposé.

Au fil des jours, des semaines, la classe va s’organiser, des règles vont s’élaborer ensemble. Une vie coopérative va naître et enrichir la classe et le travail réalisé par
chacun. Une réelle coopération, faire œuvre commune, va se mettre en place. Pour les enfants, la classe va devenir leur classe. Tous les jours, dessins, peintures, textes, créations math et travaux divers de chacun, seront montrés, partagés, et mis en valeur.

Et l’évaluation encore tellement imprégnée dans l’esprit de certains instits (« je dois quand même vérifier où cet enfant en est, ce qu’il a acquis ou pas acquis… ») va s’éloigner et même peut-être devenir inutile. Seul compte le travail, exigeant, de chaque enfant, de chaque groupe d’enfants, travail présenté, partagé et mis en valeur, quotidiennement. Avec l’aide de l’instit, le travail va s’enrichir, s’intensifier au gré des jours. Progressivement, l’enfant va devenir auteur de ses apprentissages. De par l’organisation du travail en classe, découvertes, apprentissages, travail librement choisi, créativité et autonomie seront bien présents sans aucun doute.

Françoise Dor
Août 2024